Présentoirs hauts de gamme Dinky Toys

Je me souviens, enfant, avoir eu rapidement conscience que le prix de nombreuses miniatures allait être un obstacle à leur acquisition. Le premier choc, ce fut les étiquettes de prix apposées sur les Dinky Toys anglaises vendues en boîte cristal. C’était à Saint-Germain-en Laye, un dimanche matin je m’en souviens très bien. Pour le provincial que j’étais c’était surprenant de trouver une boutique ouverte le dimanche matin. J’étais avec mon oncle paternel. Je revois le présentoir tournant avec ses Dinky Toys, et surtout les prix élevés, indiqués sur étiquettes apposées sur les Plexiglas du présentoir. Cela leur conférait de facto un côté « luxe ».  Je crois m’être dit qu’elles devaient être exceptionnelles. Avec le recul, je me demande si Dinky Toys n’a pas usé de cet artifice comme un élément de distinction favorisant la vente de ces produits. Dans le commerce l’artifice a toujours existé et fonctionne encore : on achète souvent un prix élevé comme gage de qualité. Quarante ans plus tard j’ai reconstitué chez moi ce présentoir garni des Dinky Toys de cette période.

Les couleurs et les silhouettes de ces miniatures me ramènent à ce souvenir. Il en est de même pour quelques autos proposées à la vente cette semaine : la Mercedes C111, la Monteverdi 375L, la Volkswagen 1200 « de luxe » (la bien nommée), la Ford escort et la rare Rolls Royce Silver Cloud III en rouge métallisé. Désormais elles sont tout à fait abordables, je vous rassure. Elles forment un ensemble cohérent.

 

On sait désormais qu’elles ne répondaient pas à la demande qui avait bien évolué.

 

Cette semaine deux autres Dinky Toys de cette époque, mais d’origine française sont proposées. Elles devaient aussi être sur ce présentoir. Tout d’abord l’Abarth 2000. Son prix de lancement était de 18,5 Francs. C’est une belle réussite. Le modèle est bien proportionné, les formes anguleuses précisément restituées. J’apprécie sa finesse d’exécution.

 

Il possède en commun avec l’autre modèle proposé de la semaine, la Moskvitch le fait de n’avoir pas connu un grand succès et d’avoir été boudé par les collectionneurs pendant très longtemps. Pourtant, cette dernière est fort intéressante. Elle connaîtra la particularité  d’avoir un modèle dérivé en URSS (voir blog).

Je m’interroge toujours sur le choix de la direction de Meccano France. Pourquoi avoir choisi de reproduire ce modèle ? La clientèle aisée de Dinky Toys était elle prête à acquérir une voiture du pays des soviets ? Sur le présentoir tournant décrit plus haut, elle affichait cependant une grande originalité. J’ai peut être désormais un élément de réponse. Ma fille a récupéré dans un lot en Italie, un modèle avec un boîtage très particulier. Un autocollant à fond jaune figure sur deux faces de la boîte,  l’inscription est différente sur chaque face. Cet autocollant est du même style que celui qui a servi à masquer le dessin du panneau qui était offert sur la première série des Peugeot 404 police. L’origine ne fait donc aucun doute. On peut y lire le nom et l’adresse d’Autoexport à Moscou. Le même nom et la même adresse qui figurent sur la boîte de la Lada Mercury qui a été distribuée par ce réseau également. La conception du modèle Dinky Toys a été peut être été en partie subventionnée par les Russes, ce qui pourrait expliquer l’existence du modèle dérivé fabriqué en URSS. Il est possible que Novoexport ait récupéré une partie de l’outillage.  C’est une modeste mais intéressante découverte. 

Restons dans les étiquettes de prix. En quarante années de métier j’ai recueilli de nombreux et touchants témoignages de collectionneurs de Norev. Ces derniers se sont souvent orientés vers les produits de la marque de Villeurbanne car lorsqu’ils étaient enfants les prix modérés des modèles étaient compatibles avec le budget familial. Il y a souvent de la pudeur à évoquer ce motif mais pour certains, il est impossible de passer à une autre marque. J’ai pensé à cela en voyant les modèles proposés cette semaine. J’ai recherché les prix d’époque.

J’ai trouvé un tarif de 1968, année qui correspond environ aux modèles Dinky Toys décrits plus haut. Comparons les prix. L’Opel Record nr 1valait 4,5 Frs, la BMW 700 3 Frs et la Renault Dauphine 3,5 Frs. Les Norev Baby 1,5 Frs. On comprend mieux l’image qu’a longtemps trainée Norev aux yeux des acheteurs de Dinky Toys et du grand public, celle d’un sous-produit. Cette image a été renforcée par le fait que certaines productions ont présenté des problèmes de conservation dans le temps (déformations).

Heureusement cela ne touche qu’une partie de la production. Aujourd’hui, ces Norev sont globalement plus cotées que les Dinky Toys, et je me surprends à demander aux gens qui me proposent des Dinky Toys s’ ils n’ont pas des Norev ou des C-I-J ! Cela provoque toujours l’étonnement.

Mais il est un fait : si la production des Norev a été bien plus importante que celle de Dinky Toys en volume, les trouver neuves en boîtes est difficile. De plus, la palette de couleurs est très large, surtout si on la combine comme certains amateurs avec celle des intérieurs. A l’arrivée, cela aura été le plus grand bouleversement de ma vie professionnelle. Il y a bien longtemps, c’est sur les conseils de M. Gillereau que j’ai commencé ma collection de Norev.

Les prix de vente d’époque des trois miniatures Jep en vente cette semaine expliquent leur échec commercial. Jep (contraction de Jouet de Paris) était une marque française créée en 1920. Solidement implantée sur le marché du jouet, elle se distingua au départ par de belles  et fidèles reproductions d’automobile en tôle au 1/18 et par des trains mécaniques et électriques à l’échelle « O » de qualité . Après guerre, le jouet a commencé à se démocratiser. Il a fallu proposer des jouets moins chers.

Jep passera par la production de jouets de taille réduite : HO pour les trains et 1/43 pour les autos. Au milieu des années cinquante, Jep lance une gamme de miniatures au 1/43, injectées en plastique et équipées d’un châssis en zamac. La qualité est là. Les boîtes sont superbes, ce sont de véritables écrins qui mettent l’objet en valeur. L’expérience sera un échec. A l’époque, le plastique est synonyme de jouets de qualité médiocre et la clientèle n’est pas prête à débourser de tels prix, malgré la présence du châssis en zamac. J’ajouterai aussi que le choix très conservateur des modèles reproduits n’a pas aidé au succès.

Gégé, fabriquant de poupées, commettra la même erreur avec un choix similaire de matériau et de modèles. Ces modèles sont désormais prisés par les amateurs. Les boîtes ont à elles seules un intérêt esthétique justifiant l’acquisition. Ces modèles sont très demandés à l’étranger où ils n’ont semble t’il jamais été exportés.

Mon coup de coeur pour ces trois Schuco Micro racer. A l’époque, le prix élevé de ces jouets les a aussi réservés à une clientèle aisée.On ne trouvait d’ailleurs ces produits que dans les très beaux magasins de jouets. De tous temps, les jouets allemands ont bénéficié d’une image de qualité et d’innovation technique. Ils n’ont pas la poésie des jouets français, mais ils sont robustes, inaltérables. Schuco avait organisé son catalogue en déclinant des gammes de jouets techniques, dont cette série Micro racer. Cette dernière regroupe des véhicules reproduits au 1/41 environ qui sont équipés d’un mécanisme à remontage à clef que j’oserais qualifié d’incassable et d’une molette servant à orienter le train avant, et donc le rayon de braquage. C’est simple et efficace. La production s’est étalée sur une dizaine d’années. Loger le mécanisme et la molette sans déformer les formes de l’auto reproduite était un vrai défi. Cette semaine une Mercedes SSK est programmée. Cette miniature était une rareté il y a quarante ans. Schuco avait incorporé deux « ancêtres » à son catalogue, la seconde étant une Mercer. C’était une manière de répondre à la mode apparue au début des années soixante qui voulait qu’on reproduise ce type d’autos.

Le « hot Rod » est clairement destiné au marché américain, pays où Schuco exportait beaucoup. Lors de mes voyages en Pennsylvanie où la présence d’immigrés allemands est importante, ce fut une révélation de voir le nombre de jouets Schuco présents sur place dans les manifestations de jouets anciens.

 

 

La troisième est une monoplace type midget. Ces autos ont connu leur heure de gloire, après guerre, période où les gens avaient besoin de se divertir. Ces monoplaces participaient à des courses spectaculaires sur des pistes circulaires en terre battue. C’est aussi la fonction de ces jouets de tourner en rond…il suffisait de régler la molette afin de modifier le rayon de braquage et de de remonter le mécanisme

Vincent Espinasse