Flamboyant

…des flamboyantes couleurs des stations-service Shell durant les années soixante. Les tonalités jaune d’or et rouge foncé réjouissaient le coeur. Je me souviens aussi que les primes (petits cadeaux de pacotille) distribuées dans ces stations quand on faisait le plein n’étaient pas à la hauteur de mon affection pour cette enseigne. Je mes souviens des coquillages à collectionner. J’étais trop jeune pour avoir connu la série de monoplaces fabriquées par Injectaplastic en 1965-66 et distribuées par ce pétrolier.

Les couleurs dynamiques étaient associées au sport automobile, domaine dans lequel Shell s’était fortement impliqué, répondant à l’engagement d’Esso de la fin des années cinquante.

Elf, apparu en 1966, au moment où je commençais à m’intéresser au sport automobile avait nettement ma préférence pour ses primes avec des photos de champions, et plus tard des petits bolides. Quant à Esso, il avait surfé à la fin des années soixante sur le thème du safari et des animaux sauvages. Le fameux tigre servait de prétexte. J’ai encore le livre album où l’on devait coller les photos couleurs glanées dans les stations. Plus tard, ces pétroliers véhiculeront d’autres images, bien moins glamour.

En voyant la programmation de la semaine, j’ai fait un rapprochement entre les couleurs attirantes de ces stations-service et les primes distribuées, qui pouvaient orienter le choix du consommateur, et nos miniatures avec un emballage et une mise en scène attrayante masquant  parfois quelques faiblesses.

Nous sommes ainsi conditionnés par le boîtage d’un jouet comme l’automobiliste l’est par le logo d’un pétrolier, bien que la qualité de l’essence soit souvent semblable d’un pétrolier à l’autre.

Cela me rappelle la scène du film « L’emmerdeur » d’Edouard Molinaro où Jacques Brel ne veut s’arrêter que dans une station Fina parce que son neveu collectionne les santons en plastique distribués par la marque. J’ai constaté que dans ces années soixante, les fabricants de miniatures avaient largement utilisé le rouge et le jaune pour leurs emballages.

Et ceux qui à l’origine avaient choisi d’autres couleurs, on pense à Solido pour sa série 100, à Norev et ses boîtes caisses, à Corgi Toys et ses boîtes bleu-pâle, vont tous se mettre à utiliser le rouge et le jaune.

Ces couleurs attiraient les consommateurs comme des aimants et nos fabricants de jouets vont donc les utiliser avec de beaux boîtages pour mettre en valeur leurs produits.

Cette semaine, plusieurs Dinky Toys au menu illustrent ces propos. Quand la firme de Liverpool a commencé à distribuer ses miniatures autos et ses petits utilitaires en étui individuel, elle a choisi cette harmonie de couleur : jaune pour décorer le fond et le rouge pour mettre en évidence son nom.

Nous avons ainsi en vente deux boîtes vides du Studebaker citerne.

Un autre modèle du programme de la semaine est révélateur. Quand la direction française décida de produire « La Normandie », le fond servant d’illustration a été réalisé de couleur jaune. L’intérieur du coffret, somptueux, mettait le navire en évidence. L’illustrateur avait représenté l’entrée du paquebot à New-York. Et comme je l’ai mentionné plus haut, l’objet, quelconque, est rehaussé grâce à l’emballage et aux couleurs utilisées.

Les deux Bedford TK grue Jones sont un autre exemple. Liverpool a encore conservé son rouge et jaune pour décorer les côtés. Désormais, les deux faces les plus importantes sont décorées d’un dessin mettant en scène le véhicule. C’est beau.

On comprend bien l’intérêt du boîtage associé à l’objet. Pour des raisons que j’ignore, vers la fin des années soixante, les deux entités de Dinky Toys, Liverpool et Bobigny, vont se contenter d’un dessin sur un fond blanc. C’est plus moderne. Notons que Corgi Toys va encore continuer, à cette période, à illustrer le dos de ses boîtes avec des dessins mettant en valeur l’objet.

Nous avons une belle grue Coles programmée et qui nous ramène à la période « boîte blanche ». Ces boîtages sont fragiles.

En France nous aurons toute la série des GMC illustrées par M. Jouin. Les cartons souples nous  font regretter les belles boîtes striées bleu et blanc des Supertoys des années cinquante/soixante,  comme celle du Muir Hill au menu de la semaine. Ces couleurs sont pour toujours associées à Dinky Toys et évoquent la qualité. Le carton utilisé est au diapason de l’objet qu’’il contient.

Les amateurs de Dinky Toys évoquent avec passion les improbables combinaisons de couleurs que Liverpool avait osé sur les paisibles berlines de la série 40 de l’immédiat après-guerre. La série résume bien l’industrie automobile anglaise de l’époque. On aurait aimer interroger les décideurs de Liverpool pour connaître leurs motivations. J’y vois peut-être comme une fuite en avant à la suite du lancement de Corgi Toys. Un feu d’artifice mais aussi un aveu d’impuissance devant le rouleau compresseur de Swansea.

Nous avons une belle série programmée.

L’Austin Devon verte et fuchsia est le sommet de la série à mes yeux.

La Somerset, ivoire et noire est plus sobre.

Les utilitaires Norev ont aussi eu droit à des combinaisons flamboyantes. Pour preuve ce splendide Saviem S5c bétaillère bleu et rouge et le rare Mercedes équipé d’un télescopique orange et gris.

Le coffret « TIR » concentrant un autre Mercedes LP2223 ridelles bâché et d’une remorque mérite aussi l’attention. C’est un produit rare. 

Comme tous les fabricants, Matchbox a aussi fait évoluer ses boîtages. Elle gardera « ses » couleurs jaune et bleu qui évolueront quelque peu dans le temps. Sur les premières boîtes, de l’époque « Moko », les côtés imprimés  de couleur bleu-marine simulent le grattoir d’une boîte d’allumette…

C’est en voyant sa fille Anne transporter à l’école des insectes vivants dans une boîte d’allumettes que Mr Odell va avoir l’idée d’utiliser des boîtes de ce format pour loger les modèles réduits miniatures de sa production. Poussant la logique jusqu’au bout, il reprendra les couleurs de ces boîtes. La légende est en marche. Sur les exemplaires en vente cette semaine, datant du milieu des années soixante, Matchbox a adouci ses couleurs : le bleu-marine du début est devenu bleu France. Les illustrations emplissent la face principale de la boîte et sont en couleur. Un jolie dessin de profil est repris sur les languettes, c’est réussi. Matchox perpétuera la tradition, et ce jusqu’à ses « Superfast » de la fin des années soixante, contrairement à Dinky Toys qui n’a pas su garder et faire évoluer ses « codes couleurs ». L’idée de conserver «ses » couleurs était donc bonne. Le consommateur les identifient d’une génération à l’autre. 

Vincent Espinasse