Les échanges du collectionneur

… de Christian Cathary, enseignant en région parisienne, et de son accent chantant. Il était natif du Sud-Ouest. Parce qu’il savait que nous recherchions avidement le Citroën 1200kgs Brandt de chez C-I-J, Jean Michel Roulet, nous avait communiqué ses coordonnées à la fin des années soixante-dix. Il l’avait en double. C’est une époque où le collectionneur qui avait une belle pièce à négocier, privilégiait l’échange à l’argent. C’était la garantie de rentrer un autre « beau » modèle dans sa collection. Nous avons fait souvent des échanges avec d’autres amateurs. Aujourd’hui cette pratique a totalement disparu et avec elle une certaine façon de collectionner. L’argent est roi. Je me souviens que Christian Cathary recherchait l’ensemble GMC avec sa remorque du cirque Pinder de chez Dinky Toys en boîte. Nous lui en avions trouvé un et fait l’échange quelques temps plus tard.

Ce « Brandt »a une histoire singulière. Il a été conçu sur des caisses de fabrication JRD que la C-I-J a récupéré lors de la cessation d’activité de la firme de Montreuil. Certains exemplaires possèdent même un châssis gravé JRD. C-I-J les utilisera jusqu’à épuisement avant de créer un châssis lisse, sans inscription.

 

Le modèle a été conçu pour un usage promotionnel. J’en ai eu la preuve lorsque j’ai  récupéré une bonne centaine d’exemplaires, neufs en boîte et provenant d’un ancien commercial de chez Brandt. Cette société utilisait pour ses livraisons une flotte de Citroën identiques. Le surplus de la commande a été vendu en commerce. Il existe même une très rare boîte, sans les mentions « Brandt » sur les étiquettes apposées sur les côtés. Ce fourgon est une réussite esthétique mais aussi technique. J’apprécie la réalisation impeccable des pochoirs

 

Bien plus tard, j’y repenserai en voyant le Volkswagen Kombi Politiken de chez Tekno et son pochoir bleu découpant le modèle en deux. Le « Brandt » est bien une pièce mythique, qui n’a pas pris une ride. J’ai toujours le même plaisir en voyant les deux variantes dans ma vitrine. Sa cote est devenue sage suite à ce lot exhumé. C’était il y a près de 25 ans.

J’ai bien connu Yves Gillereau, un des pionniers de la collection Norev. Sûrement un des premiers a avoir collectionné de manière volontaire cette marque.

Au milieu des années soixante-dix, ce type de collection interrogeait beaucoup. Il suffit de se replonger dans les écrits pas toujours aimable de Jacques Greilsamer dans la revue Modelisme. Ce n’est pas la qualité d‘exécution des Norev que ce dernier remettait en cause mais bien la matière utilisée, la Rhodialite, qui rangeait irrémédiablement ces miniatures au rayon des jouets de bazar ou pire, de plage.

Le plastique avait mauvaise presse pour une grande partie des consommateurs. Les prix bas des modèles les associant, raccourci rapide et faux, à des objets de qualité médiocre. Les déformations, notamment des jantes et mais parfois aussi des carrosseries ont conforté cette approche chez de nombreux amateurs dans les années quatre-vingt, avant que les gens ne s’aperçoivent qu’une grande partie de la production échappait à ces problèmes et qu’il suffisait d’être attentif dans ses achats.

Il faudra du temps pour que les Norev acquiert leurs lettres de noblesse. Désormais, du fait d’une demande importante elles se négocient largement au même niveau, voir même plus haut que les Dinky Toys.

C’est Yves Gillereau, au milieu des années quatre-vingt qui m’ a ouvert les yeux et m’a conseillé. J’avais été réceptif à la beauté de ces objets et à ses conseils et je m’étais lancé dans la recherche de mes premiers modèles. C’est une collection riche et qui peut occuper toute une vie. Yves Gillereau a fini par mettre un terme à sa quête. Son épouse trouvait qu’il y consacrait trop de temps et d’espace.

J’ai pensé à lui en voyant ces quelques exemplaires en vente.

Je ne suis pas sûr qu’il possédait le Citroën 1200kgs Michelin proposé cette semaine. C’est une pièce rare. Je m’interroge sur la destination de ce modèle. Michelin a eu des liens avec Norev et plusieurs modèles portent le nom de la firme clermontoise (1200kgs, Estafette, Saviem bus sc 10…) Je me souviens aussi d’un autre détail. A cette époque, peu nombreux étaient les amateurs qui exigeaient les boîtes de ces modèles. Cela prendra beaucoup de temps.

Cette semaine nous avons quelques beaux exemplaires en boîte dont une peu fréquente Morris Mini orange et une Peugeot 404 bordeaux.

Quand Jean Vital-Rémy est entré dans la collection de Dinky Toys, à la fin des années quatre-vingt, le phénomène « boîte » en était encore à ses débuts. L’absence de l’étui n’était pas un frein à l’acquisition d’un modèle. Jean Vital-Rémy s’est singularisé par sa capacité à fédérer autour de lui nombre de vendeurs.

Il s’était fixé comme objectif de réunir toutes Dinky Toys françaises et anglaises d’avant et d’après guerre, à l’exception de tous les utilitaires.

Il n’avait pas d’accroche pour les camions, les engins militaire ou ceux de travaux publics.

Tout le monde le connaissait.

Il réussira à réunir un exceptionnel ensemble. Il n’hésitait pas à visiter les collections aux quatre coins de l’Europe, et quand il repérait un Dinky Toys lui manquant, il n’hésitait pas à offrir un échange alléchant ou un très bon prix. Sa volonté d’aller de l’avant forçait le respect. Bien avant M. Gougeon, il avait décliné à l’infini toutes les variantes, et dans toutes les gammes qu’il collectionnait. Il a évoqué plus d’une fois sa volonté de faire un livre. La vie en décidera autrement.

Je l’aurais averti de la présence dans la liste des modèles à vendre, des deux modèles équipés de jantes en acier concaves : la Jaguar Type D et la Cadilalc Eldorado. Ces variantes tardives semblent un peu tombées dans l’oubli par méconnaissance des amateurs.

Elles sont pourtant difficiles à se procurer.

Elles se situent en fin de production et souvent, elles s’accompagnent d’une nette nuance de couleur.

 

J’en sais quelque chose. Il avait fait intervenir son ami Jean-Bernard Sarthe auprès de mon père, sachant que nous entretenions une bonne relation avec ce dernier, pour essayer de nous échanger notre Opel Rekord de Pré-série bleu marine avec pavillon gris. Jean-Bernard, trop désireux de démontrer son habileté à sortir  ce qu’il voulait chez les collectionneurs,  n’avait pas hésité à lâcher à mon père de nombreux C-I-J dont une Renault 4cv Cinzano neuve, un Berliet GBO fardier de chez Quiralu…nous avons eu beaucoup de chance de pouvoir la récupérer plus tard. 

Quelques vingt années s’étaient écoulées. Mais je me suis juré que l’on ne m’y reprendrait plus. Je n’ai plus jamais cédé un modèle « unique » de ma collection même si l’offre était alléchante. Question d’’expérience. (Voir blog vingt ans d’absence)

Vincent Espinasse