South Kensington le 19 Mai 1992

…de la stupéfaction provoquée par l’enchère de la Triumph de couleur noire chez Christies à South Kensington le19 mai 1992 lors de la vente Ashley : £4500 plus les frais, soit près de £5500. Un coup de tonnerre. J’étais dans la salle, et durant quelques instants le temps s’est arrêté, entre amateurs les regards se sont croisés. 

En règle générale, les enchères élevées étaient réservées aux modèles d’avant-guerre, même en condition de conservation moyenne, ou aux camions Foden, Leyland Octopus ; dans une moindre mesure, aux camions Guy de premier type. Même de couleur rare, les autos de la série 40 ne récoltaient que des enchères  modestes. J’avais d’ailleurs noté cette incohérence lors de mes achats. A la même époque, je me souviens avoir acquis de superbes exemplaires comme ces Standard Vanguard verte ou bordeaux, comme la Rover 75 rouge ou la Morris Oxford bleu ou caramel, pour des montants inférieurs de moitié à ceux demandés pour un Foden type 1 neuf en boîte.

Quand je vois désormais les cotes de ces Foden,  je m’interroge sur les effets de mode. J’ai souvent envie de dire aux amateurs, « ouvrez les yeux », ils sont magnifiques, abordables, sachez apprécier leurs prix modérés. L’arrivée de Jean Vital Rémy et d’un autre collectionneur anglo-américain sur le marché, avec leur pouvoir d’achat conséquent, allait bouleversr la donne. Le résultat de cette enchère nous a fait comprendre que nous allions entrer dans une nouvelle ère. Elle eut aussi pour effet de faire se rencontrer ces deux amateurs qui. après la vente, allaient enterrer la hache de guerre et s’entendre pour les enchères suivantes. C’était aussi une autre époque. J’ai idirectement profité de ce rapprochement. Le lendemain, Vectis vendait une très belle collection, car les Anglais avaient l’intelligence de regrouper les grands événements. Les mêmes acheteurs se sont donc retrouvés dès le lendemain et j’ai pu récupérer, avec leur adoubement la Morris Oxford bleu. Que de souvenirs.

Nous avons un exemplaire de cette fameuse Triumph noire. Il ne faut pas la confondre avec un autre exemplaire de pré-série, équipée de jantes de couleur argent, qui appartenait d’ailleurs à Jean Vital Rémy et qui fut aussi cédé chez Christies, mais bien plus tard, lors de la dispersion de sa collection.

Cette Triumph noire est la « pièce » de la série 40. Celle qui classe une collection. Il y a d’autres séries 40 aussi rares, mais pour cette histoire, celle ci tient une place à part dans l’histoire Dinky Toys.

En regardant les trois déclinaisons des camions semi-remorque citerne aux couleurs de BP réalisés par la C-I-J au programme de la semaine, je me dis qu’en comparaison, le Panhard Movic aux couleurs Esso, contemporain, produit par Dinky Toys France, fait pâle figure. L’échelle de reproduction de ce dernier est plus proche du 1/60, alors que le C-I-J est au 1/50.

Sur ce type de produit, cela à un fort impact visuel. Je pense aussi aux superbes camions Foden, porteur-citerne 8 roues déclinés à Liverpool au même moment … et à l’échelle au 1/50. C-I-J a particulièrement bien traité son sujet.

Elle ne s’est pas contenté de reprendre la semi-remorque citerne qu’elle avait créée quelques temps auparavant pour son Renault 120cv.

Elle a conçu un nouveau moule. C’est une réussite esthétique.

La déclinaison tricolore, cher à BP dans les années 55-65 est splendide.

Les délimitations de peinture réalisées au pochoir sont maitrisées, les harmonies de couleurs superbes. La firme de Birare gardera jusqu’à la fin de son histoire (1966-1967) ce camion aux couleurs du pétrolier anglais.

Elle mettra son tracteur au goût du jour en l’actualisant au fil de l’existence du vrai camion. Née Somua, cette firme tombera dans le giron de Renault, comme Latil, autre fabricant de poids lourds français. Les modèles de la nouvelle entité prendront dans les catalogues le préfix « LRS »(Latil-Renault-Somua).

La firme de Billancourt créera ensuite la Saviem. Ces trois cabines, différentes, marquent le début de l’histoire de Saviem. La première cabine, tout en rondeur est esthétique et marque une rupture de style très importante dans le milieu de ces années cinquante. Les courbes de la calandre, des passages de roue et du pavillon se répondent. Sur le premier modèle proposé en vente, le logo au centre de la calandre porte encore la mention Somua.

A la reprise par Saviem, logiquement, cette gravure évolue et porte le nom du repreneur.

Les ailes du tracteur sont renforcées par un angle droit à l’arrière de la cabine, sans que cela altère l’harmonie de l’ensemble.

On peut faire le même commentaire, au passage de la troisième version, également proposée, et de sa calandre de forme carrée, équipée de trois barres. C’est le célèbre JL20.

Sachez que vous pouvez trouver les deux premières versions, décorées d’un décalque BP de petite ou de grande taille. Les trois modèles sont superbes. Il est grand temps de les redécouvrir. Les copies réalisées en Chine ont semé le doute chez les amateurs. On ne peut pas mettre la copie sur le même plan que l’original. Ce dernier n’a pas été conçu dans le but d’être exposé en vitrine. C’est un jouet et c’est ce qui fait son charme et son intérêt. Comme indiqué plus haut, les prix devenant beaucoup plus raisonnables, les collectionneurs doivent ouvrir les yeux, analyser et comprendre ce qu’ils achètent et collectionnent. 

Il est instructif de croiser les productions de Dinky Toys et de Corgi Toys afin d’analyser la bataille que se sont livrée ces deux entités.

Corgi Toys a obligé la firme de Liverpool à se questionner et à se remettre en question.

Depuis que je m’intéresse à Corgi Toys, je comprends mieux certaines orientations de Liverpool. Cette semaine nous avons deux coffrets révélateurs de cette situation. Le premier contient une Chevrolet El Camino et deux remorques. L’ensemble est fort original. C’est un coffret peu fréquent. Le premier boîtage, de forme rectangulaire, constitué d’un socle et d’un couvercle en carton fort est superbe.

Plus tard deux boîtes, une illustrée et de type vitrine toutes deux de forme longue lui succéderont. Elles sont plus rares mais nettement moins jolies. On appréciera l’illustration du coffret proposé qui participe au plaisir de l’acquisition. L’originalité de cet ensemble réside dans les deux remorques accrochées l’une derrière l’autre, de formes différentes. Liverpool avait bien compris la leçon de Swansea : livrer des coffrets avec des remorques et des accessoires originaux. C’est une réussite.

On peut d’ailleurs faire un parallèle avec un autre produit, de la même période, partageant la même harmonie de couleur, blanc et turquoise, également en vente cette semaine, le car Wayne  « Continental tour ». C’est l’Amérique idéalisée. Ces deux produits nous transportent immédiatement de l’autre côté de l’Atlantique. Autre détail, ils partagent le même type de décoration de boîtage : fond jaune et illustration.

Le second coffret est fort original. Je me suis tout de suite demandé comment Corgi Toys, firme concurrente et pleine d’imagination, n’y avait pas pensé avant ! L’idée de cette longue remorque, transparente, transportant un planeur est excellente. On croise ce type d’attelage sur l’autoroute durant les vacances et l’effet est toujours garanti. Le planeur fascine, il symbolise le plus vieux rêve de l’homme depuis Icare, celui de voler. Ce coffret offre la possibilité à l’enfant d’avoir plusieurs jouets en un. Le planeur et son lanceur est un grand classique des jeux de plage.

Pour l’occasion Dinky Toys a crée un superbe coffret diorama. Quinze ans plus tard, comme un clin d’oeil au passé et à cette occasion ratée,  Corgi Toys offrira enfin un coffret de taille conséquente à l’échelle 1/32,  contenant une Honda Prelude et une remorque transportant un planeur. Preuve que l’idée était bonne et la leçon retenue.

Vincent Espinasse