Le nouveau monde

Je me souviens…de mon enfance marquée par la conquête spatiale. Les yeux grand ouverts, je regardais la lune et je me demandais comment il était possible d’y aller, et d’en revenir. Elle me paraissait si loin…

En 2024, on a oublié quelle prouesse, quel exploit ce fut. J’ai vécu cette aventure à travers les propos des adultes qui m’entouraient. La télévision n’avait que peu de place à l’époque et l’enfant que j’étais ne la regardait pas. C’est la compétition entre les deux superpuissances pour planter sur le sol lunaire son drapeau, riche de symboles, et les conséquences de la « guerre froide » qui animaient les conversations des adultes. Au point de transformer cette conquête spatiale en une lutte idéologique entre l’Est et l’Ouest. J’étais aussi trop jeune pour avoir vécu la conquête du Mans par Ford. Mais j’ai retrouvé des similitudes dans l’approche de la presse et du public pour cette autre aventure. La même passion, la même débauche de moyens de la part des américains, la même couverture médiatique au point d’avoir consacré l’édition 1967 des 24 heures du Mans, « la course du siècle ». L’adversaire de Ford, Ferrari, de rouge vêtu, dans le rôle de celui qui avait refusé de se vendre au géant de Détroit, faisait office de challenger. Tout était en place. En début d’année 1967, Ferrari avait infligé à Ford sur ses terres une cuisante défaite aux 24 heures de Daytona. Le scénario était idéal.

Cette semaine nous avons plusieurs miniatures qui illustrent cette « grande » histoire, dont la voiture vainqueur. Ironie de l’histoire, elle est bien rouge mais ce n’est pas une Ferrari. C’est la Ford MK IV.

Au départ, cette auto devait servir de lièvre et entrainer les Ferrari à sa poursuite pour les user. Ferrari ne tomba pas dans le piège et économisa ses autos. Après la course, certains observateurs déclarèrent que Ferrari avait été trop prudent. l’écurie Ford connut des déboires dont la perte de trois autos dans un accident collectif. Solido a offert une reproduction exceptionnelle de cette auto. Elle est équipée d’un capot ouvrant. Enfant j’ai adoré cette miniature. Les rétroviseurs positionnés de façon asymétriques, l’essuie-glace et les feux arrières rapportés, l’ouverture du capot sont des détails qui en font une très grande miniature. Un des chefs d’oeuvres de Solido. Je vous invite à décliner les couleurs, c’est passionnant, même si dans la réalité cette auto n’a connu que quatre couleurs différentes.

 

 

 

 

Des couleurs différentes, la Ferrari 246SP de Solido n’en connut pas. Au fil de sa production l’auto connaitra simplement des nuances, allant du rouge bordeaux au rouge orangé.

Difficile à cette époque de proposer une Ferrari d’une autre couleur.

Ce modèle est une belle réussite. Sa ligne fluide et sa face avant originale synthétise le début des recherches aérodynamiques chez Ferrari et le passage du moteur en position centrale.

En cela Ferrari n’avait fait que suivre les constructeurs anglais qui avait ouvert la voie. Ces derniers avaient compris que la puissance du moteur n’était pas tout et que le châssis, le poids de l’ensemble étaient aussi importants pour vaincre…

Ferrari se pliera à cette conception et cette 246sp est la première d’une lignée de modèles qui s’imposeront sur tous les terrains.

 

 

Le prix modique de cette miniature permet de décliner les variantes de nuances et de jantes sans se ruiner (nous avons les deux types jantes à la vente).

 

 

Vous pouvez en rassembler 9. La dixième, une transformation sur base Solido de Raymond Daffaure dans la livrée de celle qui s’imposa à la Targa Florio en 1962 constitue le graal de la série à mes yeux.

Jean de Vazeille, qui reprit avec ses soeurs au milieu des années cinquante les rênes de Solido a toujours exprimé sa méfiance pour le marché américain. Le potentiel était pourtant immense, d’autant que la qualité de ses produits ouvrait de belles possibilités. A la retraite, il déclara en 2000, lors d’une interview sur le site MSW « nous avons fait de bonnes affaires en Europe du Sud et au Japon, mais difficilement aux Etats-Unis.

Les Américains, pourtant riches, n’ont qu’une idée en tête : acheter un produit en quantité énorme à très bas prix. Nous n’étions pas faits pour eux. »

Tout est dit. Solido tenta une aventure en Amérique avec Marx. Après guerre, Marx était le plus gros distributeur de jouets aux USA, avant que des groupes comme Mattel n’arrivent. En bonne connaissance du marché américain, Marx a sous-traité la fabrication de jouets en tôle, en plastique ou en zamac à de nombreux fabricants de jouets, plus ou moins importants, n’hésitant pas à délocaliser très tôt, au Japon et dans les pays d’Asie émergeants. Ces différentes officines  produisaient sous le nom de Marx des jouets très variés et de qualités différentes.

 

 

A la fin des années soixante Marx approcha Solido.

Quatre modèles, fabriqués en France furent livrés avec un emballage en langue américaine portant le logo Louis Marx. Cette semaine nous avons la mythique Chaparral 2F et sa boîte Solido Marx. Elle est finie en argent. Cette couleur n’est pas réaliste bien sûr.

Il semble que Marx soit à l’origine de cette demande. Il est possible qu’une quantité importante de 2F toutes finies en blanc ait fait peur aux décideurs. En variant les couleurs, ils pouvaient offrir aux revendeurs une plus grande variété de produits. Ainsi, outre la blanche et l’argent décrites plus haut, une orange (couleur empruntée à la BMW 2000cs), une turquoise (couleur empruntée à la Lamborghini Miura), une rouge (couleur empruntée à la Ferrari P3) furent réalisée pour Marx. Signalons que le surplus de ces originales couleurs a été distribué en Europe.

L’aventure Louis Marx tourna court. Dans la logique décrite plus haut, Louis Marx louera l’outillage de deux modèles, la Ferrari 330P3 et la Porsche Carrera 6 afin de les produire à bas coût à Hong-Kong. La firme américaine fera même surmouler la Chaparral 2F. Injectée en plastique et affublé d’un moteur électrique elle garnira des coffrets de circuits électriques. S’ il a évité le marché américain, Jean de Vazeilles a inscrit de nombreuses autos américaines à son catalogue.

Dès la série Junior (démontable) elles sont très présentes dans le catalogue.

En 1963, Solido offrit une belle Ford Thunderbird coupé. Cette semaine nous avons une très intéressante variante. Elle émane d’un accord commercial avec la firme espagnole Dalia, qui avait commencé à l’époque du père, Ferdinand de Vazeilles, et qui s’est prolongé jusqu’au début des années soixante-dix. Cette marque fait le bonheur des collectionneurs tant les variantes sont nombreuses. Cette Ford Thunderbrid est peu fréquente. Elle reçoit un châssis, une couleur et une finition différente de la version française.

Nous avons aussi une très belle Ferrari 250GT 2+2 fabriquée chez Dalia. J’apprécie deux détails qui permettent, outre sa couleur, de la différencier tout de suite : ses jantes en acier et sa plaque d’immatriculation réalisée au pochoir, de couleur blanche et non noire comme sur la version française. 

Corgi Toys, firme anglo saxonne, a rapidement introduit à son catalogue des modèles d’origine américaine afin de satisfaire la clientèle du pays de l’Oncle Sam. La firme de Swansea est sûrement restée trop dépendante de ce marché. Les chiffres mirobolants de production et d’exportation ont fait tourner la tête des dirigeants qui n’ont pas su anticiper les changements nécessaires pour garder une clientèle rajeunie et  moins exigeante. Elle n’a pas non plus anticipé l’arrivée des miniatures Hot Wheels. 1968 fut une année noire pour Corgi Toys. Elle succédait à une année record. La baisse importante des ventes sur deux ans a précipité la direction dans des décisions hasardeuses.

Cette semaine nous avons plusieurs modèles d’autos américaines qui illustrent cette période. La Chevrolet Impala fire chief synthétise l’époque où tout allait bien…très bien même. Cette miniature est une des trois déclinaisons réalisées à partir de la célèbre Impala. Ce modèle fut un succès. Les nombreuses variantes déclinées le prouvent.

Une autre Impala est au menu cette semaine. Il s’agit d’une version ludique transportant des chiens. La présence des chiens, fort bien reproduits, lui assura le succès. Je doute de la véracité de cette auto. Le jouet est bien conçu et il a dû captiver un certain nombre d’enfants.

La Chevrolet Sting Ray customisée de 1967 interroge. Corgi Toys avait dû avoir connaissance de la préparation et de la fabrication des Hot Wheels. Je dirais, plus précisément, de l’esprit : des miniatures bardées de chrome aux décorations bariolées. Cette déclinaison de la Corvette customisée conçue sur un modèle créé en 1963, peut être vue comme un test. Elle ne possède pas ce qui sera le vrai plus des Hot Wheels : des axes aiguilles et des roues en nylon monobloc limitant les frottements. Aujourd’hui elle est assez difficile à se procurer du fait que peu d’amateurs à l’époque l’ont acquise.

Que faire d’une telle miniature à l’allure décadente en vitrine ? Je me souviens qu’à l’ouverture de mon magasin il y a 40 ans, elle n’intéressait personne malgré son prix bas…il a fallu du temps pour que les amateurs l’accepte. Idem pour la Ford Capri dragster. La tempête est aussi passée. Nous sommes en 1971. Cette miniature correspond à la nouvelle demande. Elle aussi est difficile à se procurer en état neuf en boîte.

Un dernier mot sur une autre auto américaine. Corgi Toys a choisi de se démarquer des autres et a introduit le 1/36. Cette AMC Pacer est bien plus intéressante qu’il n’y paraît. Nous sommes en 1977. Cette auto compact interroge. Pour les gens de ma génération, auto américaine rimait avec chrome et taille démesurée. Avec cette Pacer on est très loin de ces standards. Elle préfigure le grand bouleversement automobile américain.

La Mazda pick-up de 1976, avec son système de bungalow amovible, également au programme, est un autre excellent exemple de la transformation du paysage automobile américain. Ce n’est pas l’ingénieux système que je retiens, mais la nationalité de la voiture : japonaise. Les Japonais ont fort intelligemment contourné le protectionnisme américain, en construisant des usines et les autos sur place. Petit à petit ils vont ravir aux américains la première place mondiale. Cela rappelle une autre histoire, bien actuelle chez nous en Europe.  Ces miniatures méritent que l’on s’y intéresse. Encore une fois, qui a pensé à les acheter et à les conserver ?

Vincent Espinasse