Haut de gamme.

d’une traversé de la place Bellecourt à Lyon, un jour d’été, sous un soleil de plomb. Nous étions en 1972. Je pense surtout à l’objet que je tenais précieusement dans mes bras.

C’est sans doute le plus beau jouet que j’ai jamais eu; un coffret de construction PL4 de chez Solido. Il permettait de créer des porteurs ou des semi-remorques avec quatre cabines différentes et deux empatement de châssis. Il me donnait l’impression de réaliser des modèles extraordinaires.

Plus tard j’ai compris qu’il n’en était rien. J’ai appris aussi que les quatre cabines émanaient de quatre constructeurs différents. Deux d’entre eux, Bernard et Willeme étaient de « petits » fabricants, produisant des camions de qualité. On pourrait même ajouter la mention « haut de gamme ».

Leur production, semi-artisanale ne pouvait se comparer à celle de Berliet ou d’Unic, autres fabricants également représentés dans le coffret. Je crois me souvenir que mon préféré était le Berliet TBO. Son capot long et carré, son impressionnant filtre à air lui donnait fière allure. Rien ne semblait lui résister.

 

Cette semaine nous avons un échantillonnage qui me ramène à ces souvenirs. Le Berliet TBO tracteur semi-remorque ridelles est un exemple de ce que l’on pouvait réaliser avec le coffret. Cette déclinaison  n’a pas été produite en série.

Cette semaine nous avons aussi cette même remorque, mais attelée à l’original cabine du Willeme Horizon.

Cette configuration était celle que Solido avait choisie de diffuser en étui individuel. C’est un grand classique qu’il faut savoir apprécier. Le traitement original du pavillon et du pare-brise panoramique en font un camion moderne pour l’époque.

Le camion Bernard carrossé par Pelpel sur un dessin de Philippe Charbonneaux proposé est intriguant et mérite quelques explications.

Les amateurs auront reconnu des décalques d’origine JRD.

Au début des années 80, la firme Decalkit de Montpellier, proposa à la vente deux grandes planches de décalques permettant de restaurer les miniatures utilitaires d’origine française des années cinquante-soixante.

 

 

Il y avait à cette époque un réel engouement, un véritable élan dans la collection. L’idée de sauvegarder en les restaurant les modèles anciens avait germé chez de nombreux amateurs. Les prix déjà très élevés avaient aussi contraint un certain nombre d’amateurs à se tourner vers la restauration. Il n’y avait pas internet pour occuper les soirées. C’est dans ce contexte que ces deux planches furent éditées.

L’exemplaire proposé à la vente est un vrai Solido. La firme d’Oulins a commercialisé durant un moment ce beau fourgon sans les traditionnelles publicités pour La Vache qui Rit. Rupture de stock de décalques, contrat non renouvellé avec la fromagerie Bel, je ne connaîs pas le motif exact.

Ce qui est sûr c’est que de nombreux exemplaires, dont une grande partie des fourgons se trouvant dans le coffret PL4 en sont dépourvus. Cela fait une variante de plus pour les amoureux de ce camion.

Sur le modèle proposé, l’amateur a appliqué les décalques prévus pour restaurer l’Unic JRD sur un Bernard fourgon frigorifique. L’histoire est simple et sans controverse. Son prix de vente assez bas est un argument solide pour ceux qui aiment décliner les variantes de ce beau camion « haut de gamme ».

Restons chez Solido avec deux modèles du milieu des années soixante-dix : la Volkswagen Golf et la Mercedes 280.

Solido a divisé sa collection de miniatures automobiles en 3 gammes.

La première, plus simpliste, moins détaillée comprend les modèles populaires. La VW Golf programmée appartient à cette dernière. L’idée de Solido est de vendre ces miniatures moins cher. Elles sont au diapason de la clientèle pour laquelle elles sont destinées. On comprend aussi que ces produits sont encore des jouets destinés à une jeune clientèle.

La différence de finition avec les autres gammes se situe principalement au niveau du traitement des faces arrières : les feux ne sont pas rapportés.

Seules les portes sont ouvrantes.

La Mercedes 280 appartient logiquement à la « Gam 3 ». Portes et capot ouvrants, reproduction du moteur détaillée, phares et feux rapportés : le luxe. Cette Mercedes est une très belle miniature. Ces séries commencent enfin à intéresser les amateurs. C’est justifié. Cela a pris plus de temps que je ne le pensais.  

Il y a dans l’univers de la collection de miniatures un côté magique qui est rarement pris en considération. L’enfant des années soixante pouvait pour le même prix acquérir une Ferrari, une Citroën DS ou une 2cv.

Bien plus tard, entrées dans les collections, les miniatures reproduisant des autos populaires seront souvent plus cotées que celles reproduisant des autos d’exception. Elles sont plus demandées, car elles évoquent  davantage des souvenirs d’enfance.

Tout le monde n’a pas grandi à Monaco au milieu des Ferrari et des Lamborghini.

Les autos populaires faisaient partie du paysage familial du plus grand nombre d’entre nous.

Cette semaine nous avons trois belles populaires françaises de chez Norev. Elles constituaient le coeur de cible de la firme de Villeurbanne. Grâce à leur prix de vente assez bas elles étaient en adéquation avec le pouvoir d’achat de cette clientèle.

La Renault 12 est un exemple parfait.

Ce n’est pas la pureté de sa ligne qui nous attire mais les souvenirs qui nous y rattachent. Il suffit de tendre l’oreille dans les allées des salons consacrés aux autos anciennes. C’est une étape dans la productions de la Régie. A l’époque les autos restaient longtemps au catalogue des constructeurs. Elles avaient le temps de marquer, de laisser des souvenirs. Elles étaient transmises aux plus jeunes, tout comme les jouets d’ailleurs. J’ai par exemple hérité de la vieille BMW 2000 de mon père. 

La Citroën 2cv fourgonnette est restée encore plus longtemps en production. Elle a laissé son empreinte dans nos vies sur près de cinquante ans. Ce modèle destiné à un usage commercial a beaucoup servi. Peu ont survécu et on la croise dans les salons bien plus rarement que la version berline. l’absence de panneau publicitaires et la sobriété de sa caisse tôlée en place des panneaux publicitaires est un atout. De nombreux amateurs de Dinky Toys ont formulé le regret que la direction à Bobigny n’ait pas programmé cette Citroën 2cv fourgonnette basique à son catalogue. Profitez donc de la version Norev !

La Citroën DS 21 Norev me ramène à un souvenir d’enfant. Avant de partir à la retraite, en 1970, mes grand-parents avaient acheté une superbe Citroën DS21 injection. Ma grand-mère avait voulu offrir un exemplaire en miniature à chacun de ses petits enfants. Je me souviens comme elle était revenue désappointée du marchand de jouets situé à deux pas de la boutique de chaussures. Elle pensait nous faire un cadeau de choix et nous ramener une voiture « en fer ». Elle avait ramené trois exemplaires de la Norev en plastique, une pour chaque petit-enfant. La mienne était turquoise. J’avais apprécié ce cadeau. Le modèle en vente de couleur blanche est superbe. Cette couleur convient fort bien à cette élégante auto.

« Haut de gamme », la Citroën DS 19 coupé Chapron en fait assurément partie. C’est le côté exclusif de ces carrosseries « spéciales » sorties au compte-goutte de ce célèbre carrossier français qui permet de les classer dans cette catégorie. Corgi Toys qui cherchait à se démarquer en proposant des miniatures sortant de l’ordinaire, en a livré une reproduction de grande classe. Cette semaine nous avons la version bicolore, moins fréquente.

Corgi Toys se devait également de mettre à son catalogue des reproductions de Rolls Royce, symbolisant aux yeux du grand public le luxe et le haut de gamme. Cette semaine nous avons une Silver Shadow. Elle correspond aux critères en vigueur à Swansea à la fin des années soixante-début des années soixante-dix. La gravure n’est pas très fine. La miniature n’est pas fréquente.

  Corgi Toys a vite lorgné de l’autre côté de l’Atlantique pour trouver son inspiration,  et peut être sa perte, mais c’est une autre histoire. La Lincoln limousine rallongée au menu cette semaine est un exemple du luxe tapageur voire pour certains du mauvais goût américain. L’auto ne laisse pas indifférent. Même sa couleur bronze interroge. L’enfant pouvait s’émerveiller devant l’écran de télévision dans l’habitacle qu’un système électrique mettait en valeur. C’est le début des limousines extravagantes, peut être le début d’une forme de décadence automobile.

Vincent Espinasse