L’épopée des « verts » de Saint Etienne 

…de l’épopée des « verts » de Saint Etienne en coupe d’Europe de football en 1976. Toute la France ne vivait que pour les exploits des Stéphanois. Je suivais cela en marge de ma passion des miniatures. Cela avait rapproché mon frère et mon père. Ce dernier nous avait emmenés voir cette flamboyante équipe des verts affronter le stade de Reims le 19 juin 1976. Il faut savoir que le stade de Reims avait été le premier club français à briller dans cette coupe d’Europe au milieu des années cinquante. Ce match avait donc une saveur particulière. Notre père nous parlait du Stade de Reims avec nostalgie, une flamme dans le regard en évoquant Just Fontaine et Raymond Kopa. Le stade de Reims, pourtant mené deux buts à zéro avait fini par l’emporter 3-2. Je me souviens qu’avant de se rendre au stade Auguste Delaume, nous avions fait un tour du circuit de Reims-Gueux. Mon père y était déjà venu  mais ne se souvenait plus de quelle épreuve il s’agissait. Nous avions ensuite arpenté le centre ville à la recherche de boutiques de jouets. Je me souviens des imposantes Galeries Lafayette rémoises. A cette époque, on trouvait en boutique les Solido de la série 10 que je collectionnais avec gourmandise, traquant les moindres variantes, et les Norev jet-car, comme celles proposées cette semaine.

Ce sont des modèles fort intéressants. Il faut les replacer dans leur contexte et surtout ne pas tenter une comparaison avec les productions antérieures. Elles correspondent aux critères et à la demande de leur époque. Elles étaient présentes partout. Je me questionnais déjà. Quand seraient-elles collectionnées ? Cela allait arriver, c’était sûr, mais quand ?  Cela mit plus de temps que je n’avais imaginé, pour une raison qui m’avait échappé à l’époque. Elles avaient été achetés en nombre par l’importante vague de collectionneurs arrivée au milieu des années soixante-dix.

souviens Ces derniers étaient persuadés que ces modèles allaient être les « Dinky Toys » du futur,  ils les avaient achetés en quantité et les avaient  stockés, pariant sur le futur. Nous n’avons jamais rien stocké avec mon père. Nous nous sommes contentés de les acheter et de les apprécier. C’est aussi à cette époque que j’ai découvert Léo Ferré, et sa chanson « Avec le temps » qui évoque le temps qui passe et la nostalgie. J’avais déjà conscience, qu’un jour, les paroles de cette chanson me rattraperaient. En rentrant de la manifestation rémoise, qui se tenait début mars, j’ai repensé à cette chanson. J’ai fait aussi le lien avec ces quelques Jet Car.

Et en voyant les premiers rayons du soleil de printemps et la couleur verte omniprésente dans la campagne, j’ai choisi cette couleur comme fil conducteur pour présenter les nouveautés. C’est celle qui symbolise l’espoir.

Renault a profité des difficultés économiques de Citroën, pour se rapprocher de la C-I-J. C’est à Briare qu’était conçue une grande partie des Jouets Citroën en tôle et en plastiline. Logiquement, les jouets Renault vont réutiliser ces deux matériaux. Cette semaine nous avons un splendide Citroën Rosalie porte-bobine qui synthétise cette histoire.

Le jouet est sommaire, mais on identifie  immédiatement la marque du camion représenté grâce aux chevrons gravés sur la calandre. Plus tard, dans la même logique, la C-I-J  appliquera des décalques avec le losange Renault sur les portières de ses camions Renault 5T pour que l’enfant les identifie sans difficulté. Ces véhicules en plastiline sont uniques au monde. Ils étaient vendus bon marché. Ils sont conçus en deux parties et ont fière allure. Les deux parties sont réalisées en deux matériaux distincts, que la firme de Briare maîtrisait avec talent : un châssis en tôle pliée et peint et une carrosserie en plâtre agrafée sur ce dernier. Toute la magie réside dans la conception des chargements. L’enfant est ainsi transporté dans un univers professionnel.

Prenons le Renault 5T bétaillère de couleur verte, justement, proposée cette semaine. Peut-on concevoir un jouet plus vivant ? J’admire le travail de peinture, au pochoir, de tous les éléments qui le composent : la carrosserie, la calandre, le chargement. Dans l’atelier de finition, l’ouvrier,  avait devant lui un bloc de couleur blanc…il devait lui donner vie. cette semaine nous avons aussi un camion Renault 5T ridelles, qui peut paraitre simple par rapports aux autres déclinaisons très vivantes, comme le charbonnier, le brasseur, le porteur de foudre, la benne à ordures ou les déclinaisons pompiers. Il ne fut produit qu’avant guerre. Il est difficile à se procurer. J’apprécie sa lumineuse harmonie de couleurs, orange et brun. 

Dans la gamme C-I-J, la couleur verte est omniprésente du début à la fin de la production. Cette semaine nous avons quelques modèles qui illustrent ce propos. Avant de produire les modèles en plastiline décrits plus haut, la firme de Birare maitrisait la fabrication de jouets en tôle équipé d’un mécanisme de remontage à clef. Ceux qu’elle livrait au quai de Javel étaient de superbe qualité. Lorsqu’après la guerre elle se lança dans les jouets injectés en zamac au 1/43, elle garda de son riche passé l’utilisation de ce mécanisme. Il fallait qu’elle ait de l’expérience pour transposer ce type de mécanisme sur ses premières 1/43 en zamac. En effet pour des raisons d’économie d’échelle, le mécanisme est commun à plusieurs modèles et il est difficile de le placer sans altérer la ligne de la miniature. Dénommée dans les catalogues « mécanique », cette série de miniatures sera vite abandonnée

La firme de Briare proposera la gamme des premières Renault d’après guerre, le camion 5T citerne Shell, la 4cv, la Frégate et la série Prairie, Savane et Colorale, tous équipés de ce mécanisme à remontage à clef. La direction a ensuite compris que la mode de ces jouets animés était passée. La clientèle ne s’émerveillait plus devant le mécanisme qui entrainait l’auto. La fonction ludique de ce type de jouet était finalement très limitée et le mécanisme non activé constituait même un frein à la progression de l’auto. Cette semaine, nous avons une belle Colorale verte et une Savane ainsi équipées. Elles sont toutes les deux très difficiles à se procurer.

Si vous préférez une version classique, nous avons aussi une Colorale dépourvue de mécanisme et équipée d’un châssis pincé. Plus tard, en fin de production, une version modernisée, équipée d’un châssis bouterollé sera créée. La nuance de vert sera totalement différente.

C’est aussi ce que l’on constate sur les deux camions Renault 120cv benne et semi-remorque bâché en vente cette semaine. Tous les deux partagent la même couleur, le vert. Comme pour la Colorale décrite plus haut, la nuance va aussi  évoluer dans le temps. Celle des deux camions proposés à la vente est très différente de celle rencontrée sur les premiers exemplaires. En vitrine c’est une réussite. C’est lors de la modification de moule et du renfort du pare-chocs que sont apparues ces nuances de couleur. Ces modèles au pare-chocs renforcé sont alors équipés de jantes en plastique de couleur argent, qui résistent bien dans le temps, contrairement à celles de couleur rouge ou jaune qui parfois se déforment.

Dernier exemple, montrant l’attachement de la firme de Briare à la couleur verte, avec ces deux exemplaires de de la Chrysler Windsor. Un tel modèle dans une gamme destinée a être vendue en milieu rural peut interroger.

Il faut peut être y voir, comme pour la Volkswagen, aussi proposée, une tentative de C-I-J de se développer, parallèlement à la gamme dédiée aux modèles de la régie ou un désir de se positionner face à Bobigny et de conquérir la vente en milieu urbain. Nous avons un exemplaire du début de production, qui se reconnaît à sa nuance foncée. Particularité, les flancs ont été soulignés dans la teinte du pavillon. Le second exemplaire est aussi peu fréquent. La carrosserie est peinte dans une belle nuance vert pâle. Je suis surpris que les amateurs n’aient pas accordé plus d’intérêt à ces modèles qui se négocient à des prix raisonnables. Ils méritent leur estime

Il emprunte cette élégante nuance de vert aux utilitaires de Liverpool d’avant-guerre. J’apprécie aussi la belle 36 A Armstrong Siddeley de couleur bordeaux. La teinte convient à cette auto luxueuse. Les prix de ces beaux modèles sont désormais accessibles. Profitez en. Ils sont difficiles à se procurer. 

Vincent Espinasse