Solido et la Guerre Froide

…de ma fascination d’enfant pour le BTR40 de chez Solido au début des années soixante-dix : sa forme unique, anguleuse à l’arrière et profilée à l’avant, ses fonctions amphibies, ses roues rétractables, sa casemate ouvrante laissant apparaître quatre missiles, et surtout ses deux grandes étoiles rouges sur les flancs. Je ne connaissais pas encore la symbolique de ces étoiles rouges et je trouvais simplement très réussie cette décoration composée d’une étoile rouge accolée aux trois chiffres blancs « 416 ».

C’était un peu à l’image de la décoration d’une voiture de course. Le temps a passé, et j’ai appris la symbolique de cette étoile rouge, chargée d’histoire. Je m’interroge depuis sur sur la motivation de Solido qui à reproduit ce type d’engins dans les années soixante, en pleine guerre froide. Il y a d’abord eu le PT76 décliné en deux versions, avec casemate et lance missile, le SU100 et bien sûr ce BTR40. J’aurais aimé connaitre les chiffres de vente de ces modèles par rapport aux modèles reproduisant des chars français, américains ou allemands. Vu la présence dans les catalogues durant de très longues années des deux premiers, on peut effectivement douter du succès commercial. Le BTR40 connaitra lui une courte carrière. Cela explique une certaine rareté. Si la présence de l’étoile rouge a pu constituer un facteur de rejet pour cetains acheteurs, cela n’avait en rien contrarié mon père que de m’offrir ces engins russes. C’est vraisemblablement la volonté d’offrir à la clientèle des engins de provenances variées, qui semble être à l’origine de la création de ces engins russes. On a aussi vu cela avec la reproduction des avions russes Mig.  Au moment de la sortie du BTR40 mon père m’avait aussi offert l’AMX 1O VCI (véhicule sanitaire).

Les deux modèles ont en commun une décoration blanche et rouge, elle leur donne une dynamique que ne possède  pas l’autre char à la vente, l’AMX 13 90mm.

Je me souviens que j’avais trouvé la version de l’AMX 13 proposée par Dinky Toys, certes bien plus ancienne, dépassée. La tourelle de la version Solido était orientable et articulée de bas en haut. Et que dire des fantastiques et inégalées chenilles en zamac brevetées Solido… On parle toujours des innovations de la série 100, des portes ouvrantes et des suspensions, mais celles de la série militaire sont aussi exceptionnelles. On appréciera d’ailleurs les portes arrières ouvrantes du VCI.

Ces trois modèles proposés à la vente sont livrés dans leur premier étui en carton illustré. On constate que Solido a demandé à l’imprimeur de fournir des étuis de grande qualité, car malgré le poids des modèles contenus, ils résistent fort bien au temps. Ils sont rares les fabricants de jouets a avoir fourni à leurs clients des boîtages de cette qualité. Liverpool n’a pas donné la même directive à son imprimeur pour ses boîtes destinées à l’exportation. Elles sont fragiles et résistent mal au temps.

Nous avons ainsi une Austin Champ UN (Nations Unis) à la vente dans un rare étui export. Ce modèle est fort intéressant. Il semble avoir été réalisé, au départ à la demande de l’importateur allemand. Longtemps je n’ai trouvé ce modèle que dans ce pays. Après la seconde guerre mondiale, il y a eu dans certains pays scandinaves mais aussi en Allemagne,  un mouvement qui limitait la diffusion des jouets rappelant la guerre. Cette Austin blanche symbole de paix en témoigne. Elle est rare. 

Solido avait déjà un riche passé quand sous la direction de Jean de Vazeilles elle entama sa série 100 et sa série militaire. Le père de Jean, Ferdinand, avait été à l’origine de ces jouets démontables, de conception ludique distribués sous les noms Major, Junior et Baby, chaque dénomination correspondant à une gamme de prix et à une échelle de reproduction : 1/38, 1/43 et 1/50 environ.

Quand Jean a repris l’entreprise familiale avec ses deux soeurs au milieu des années cinquante, il s’est attaché à proposer des miniatures reproduites fidèlement. Il a expliqué plus tard que son père, qui avait peur d’être attaqué par les fabricants d’automobiles, proposait des miniatures que l’enfant pouvait certes reconnaître, mais sans grand soucis de fidélité de reproduction.

 

Nous avons cette semaine un échantillon des dernières Junior fabriquées sous la direction de Jean, le fils, avant que ne soit lancée la fameuse série 100.

Elles sont désormais reproduites avec fidélité, malgré la contrainte pour cette gamme démontable d’utiliser un châssis commun à tous les modèles.

La Ford Fairlane dépanneuse est un excellent exemple des propos précédents. L’auto est fidèle et aussi ludique, avec son palan. Sur la même caisse, grâce aux accessoires des coffrets de montage, l’enfant pouvait réaliser une version break, ambulance, pick up bâché ou dépanneuse, toutes plus réussies les unes que les autres.

Cette version vient rarement en vente. Les deux attelages proposés sont superbes. Sachez qu’ils furent aussi distribués en boîte carton, ficelés sur un socle. La Simca Versailles de couleur corail et son pavillon gris tractant un hors-bord semble avoir été créée pour se rendre sur la plage de Saint-Tropez tandis que la Peugeot 403, fort crédible avec sa caravane Notin, est plutôt destinée au camping municipal de Clermont-Ferrand.

Ces deux ensembles sont en parfait état de conservation, tout comme la Citroën DS19 programmée, dans sa belle robe jaune poussin. On aimait les couleurs vives à l’époque.

Les deux Rolls Royce, également au menu sont fort intéressantes. Elles appartiennent bien à la série Junior démontable. Je reste persuadé que Jean de Vazeilles, lors de sa création savait que cette Rolls Royce allait ensuite intégrer la série 100. L’échelle de reproduction est le 1/43, contrairement aux modèles précités. La version unicolore, fort réussie, n’existe qu’en série Junior, contrairement à la version bicolore commune aux deux gammes. Les prix modestes, aujourd’hui constatés, sont des vrais plus dont il savoir profiter. Ces modèles sont fragiles et difficiles à se procurer dans l’état de ceux proposés cette semaine.

Sachez que nous avons aussi un impressionnant présentoir en tôle aux couleurs de la marque, le genre d’article qui vient rarement à la vente, bien plus rare que ceux aux couleurs de Dinky Toys. Il faut juste un peu de place pour le loger !

Vous pourrez positionner dessus la rare nuance bleu foncé métallisé, très différente de la version bleu clair métallisé de la Renault 17TS, également à la vente.

C’est plus fort que moi. Quand je vois dans la grille de programmation des camions de la série 25 de chez Dinky Toys provenant de Liverpool je m’enthousiasme à l’idée de faire partager aux autres les variantes de cette série. Prenons les deux camions citerne 25D de couleur verte. Classique me direz vous ?

Observez bien la subtile nuance vert clair du type IV équipé de ses pare-chocs. La nuance est importante, et en vitrine, cela saute aux yeux.

Le second est un « banal » type 3 de couleur vert foncé. C’est sûrement la variante la plus classique. Un détail pourtant doit vous interpeler : l’absence de l’inscription « petrol » !  Ce modèle peu fréquent a été créé à la demande de l’importateur Hudson Dobson. Pour la simple raison qu’aux USA l’essence se dit « gas » l’importateur a demandé qu’on lui envoie des modèles sans marquage.

On le retrouve d’ailleurs dans le rare coffret destiné à ce marché, consacré aux véhicules légers. C’est un modèle que j’apprécie particulièrement. Il est difficile à trouver.

Il y a trois autres 25 au programme. Le 25 B, équipé d’une bâche, fini en deux tons de gris est sublime. Quelle harmonie réussie. Les prix sont devenus très raisonnables. En faisant défiler les photos des modèles Dinky Toys anglais programmés j’ai fait un autre constat.

Nous avons une très belle série de modèles réalisés au début des années soixante avec des couleurs peu fréquentes. L’amateur de ce type de produit est livré à lui même, contrairement à celui qui collectionne les Dinky Toys France. Il n’a pas d’ouvrage détaillé à sa disposition. Il doit donc se former dans les bourses, dans les discussions avec les autres amateurs et  analyser ce qu’il a vu. Cela demande plus de temps que d’ouvrir l’ouvrage de Jean-Michel Roulet.

Ainsi, sur les berlines de la série 500 à la vente cette semaine (Simca 1000, Renault 8 et BMW 1500), toutes équipées des jantes en aluminium et de pneus Dunlop, l’amateur constatera dans le livre que ce sont des variantes tardives, et souvent moins fréquentes. Ces variantes de jantes s’accompagnent bien souvent de nuances de couleurs différentes de celles des modèles équipés des premières jantes en acier.

Mais pour les modèles de Liverpool proposés cette semaine, il devra faire jouer son sens de l’analyse. Cette semaine nous avons une série de variantes de couleurs : une Hillman Imp bleu métallisé, une Rolls Royce Phantom V gris clair, une Bentley S bronze et une Holden turquoise. Dans une vitrine consacrée à ce type de produits, elles sont « les » variantes moins fréquentes.

Nous avons aussi une Triumph Vitesse et une Daimler, qui, sans être rares, sont nettement moins fréquentes que les versions desquelles elles dérivent : Triumph Herald et Jaguar 3,4. Sachez qu’il existe deux variantes de couleur d’intérieur blanc ou rouge.

On est passé des « SR » (Simon Rivolet) distribués sur les Grands Boulevards, de petite taille et assez simplistes, à ces Citroën B14 plus conséquentes. Le progrès est considérable. Elles ont bientôt près de cent ans d’âge, c’est assez pour entrer dans l’histoire. Il faut savoir les apprécier, les faire rentrer dans nos vitrines et les donner à découvir  aux plus jeunes. Il y a comme un devoir de transmission.

Vincent Espinasse